Tout au long de l’interview, elle ne prononce jamais son nom : Dominique Strauss-Kahn. Elle ne parle pas de viol mais de l’« accident ». Pour la première fois, Nafissatou Diallo prend la parole dans Paris Match . L’ancienne femme de chambre au Sofitel de New York revient sur la journée du 14 mai 2011 qui a bouleversé sa vie et entraîné la chute du directeur du Fonds monétaire international, à l’époque candidat putatif à l’élection présidentielle.
Neuf ans plus tard, elle livre sa version de faits. Après avoir demandé à un collègue si la suite où séjournait DSK était libre, elle dit avoir signalé plusieurs fois sa présence sans jamais avoir de réponses. « Je m’apprête à entrer dans la chambre, sur la gauche, quand je vois apparaître cet homme nu. Alors, je m’écrie : “Oh mon Dieu ! Je suis désolée.” Puis tout est arrivé… Et quand cela a été fini, je me suis enfuie en crachant partout », raconte-t-elle. Elle part se cacher dans le couloir. Elle dit se souvenir être brièvement retournée dans la chambre pour récupérer son chariot. Le comportement de Nafissatou Diallo après les faits avait été passé aux cribles par les enquêteurs. Le fait qu’elle se soit rendue dans la suite 2806 après le départ de DSK avait largement pesé contre elle.
J’AI ÉTÉ PIÉGÉE ET TRAHIE. JE NE ME REMETTRAI JAMAIS DE LA FAÇON DONT LES PROCUREURS DE NEW YORK M’ONT TRAITÉE
La justice n’a jamais démêlé le vrai du faux sur ce qui s’est passé ce jour-là. Le procureur de New York, Cyrus Roberts Vance Jr., a renoncé à un procès, pointant les « déclarations contradictoires » de l’accusatrice et questionnant sa crédibilité. Les deux parties ont ensuite conclu un accord financier au civil. Nafissatou Diallo explique son choix : « Je voulais sortir de cette histoire aussi vite que possible. » Néanmoins, elle garde encore aujourd’hui une certaine rancœur à l’égard du tribunal de Manhattan. « J’ai été piégée et trahie. Je ne me remettrai jamais de la façon dont les procureurs de New York m’ont traitée », explique-t-elle. Et de renchérir un peu plus tard : « Je vous assure que si [Dominique Strauss Kahn] avait été pauvre, il serait aujourd’hui en prison. »
Nafissatou Diallo raconte le calvaire qui a suivi. Le restaurant qu’elle ouvre en 2015 dans le Bronx attirera les curieux. « Pas pour déjeuner ou dîner mais pour me voir et me poser un tas de questions, précise-t-elle. Ils me laissaient leur numéro de téléphone… J’ai fini par fermer. » Elle explique pour cette même raison avoir dû quitter l’appartement qu’elle occupait dans le quartier pour un logement sécurisé hors de New York. Parfois, les événements vont plus loin : « Une nuit, en rentrant de mon restaurant à 2h30 du matin, j’ai été suivi par un 4×4, du Bronx jusqu’au Connecticut, où j’habitais, relate-t-elle. J’étais paniqué, je criais : “Laissez-moi tranquille !” » Nafissatou Diallo raconte être encore parfois reconnue dans la rue : « Les gens me disent de choses gentilles, ils ne savent pas, en fait, qu’ils me replongent dans ce cauchemar. »
Elle refuse de dire ce qu’elle fait aujourd’hui. Après avoir écrit un livre à compte d’auteur, passé inaperçu, elle confie tout au plus vouloir créer une fondation « pour aider les femmes qui, comme moi, sont arrivées en Amérique sans éducation, sans même parler la langue, et qui ont vécu de situations horribles ». « Je veux que ce qui m’est arrivé serve aux autres. »
AVEC LEFIGARO
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