Depuis plus d’un an, la question de la candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat alimente les débats en Guinée. Dans la contestation, plusieurs mouvements et autres organisations citoyennes ont été lancés par des Guinéens déterminés à obtenir l’alternance, après dix ans de gouvernance de celui qui fut l’un des opposants les plus respectés du Continent. Parmi ces mouvements, il y a l’Alliance pour l’alternance démocratique (2AD). Quelques mois après le lancement officiel de ce mouvement, l’activiste Mamadou Chérif Ly, membre fondateur et responsable de la communication de la 2AD, a accordée depuis la Belgique où il vit une interview au Djely. Dans cet entretien, il explique le changement que la 2AD aspire pour la Guinée et le niveau d’avancement du projet de transition politique que le mouvement souhaite dans le pays.
Ledjely.com : La Guinée est dans un imbroglio politique depuis un bon moment, pensez-vous que l’organisation de l’élection présidentielle le 18 octobre prochain peut stabiliser les choses ?
Mamadou Chérif Ly : Pour être clair, je ne pense pas que les élections du 18 octobre prochain vont stabiliser quoi que ce soit, pour les raisons suivantes : premièrement, notre démocratie est profondément en panne, nous sommes un pays avec trois constitutions. D’ailleurs, nous sommes en faux en constitution. Nous avons une Assemblée nationale sélectionnée pour accompagner un 3ème mandat et une Cour constitutionnelle sous ordre. Nous sommes dans une crise institutionnelle et politique.
Deuxièmement, tous ceux qui s’opposent au 3ème mandat ne parlent pas encore la même voix ; les uns réclament une transition politique immédiate et d’autres participent à l’élection alors que tout le monde devrait se parler, resserrer les rangs, afin d’obtenir le départ effectif d’Alpha Condé en 2020.
Lorsque vous parlez de crise institutionnelle, à quoi on peut s’attendre au lendemain de cette élection, selon vous ?
Écoutez, plusieurs scénarios sont possibles mais le scénario le plus plausible pour moi est que cette élection va conduire la Guinée à une transition au lendemain du 18 octobre 2020.
Votre structure la 2AD, prône toujours l’alternance via une transition, ne pensez-vous pas que cela est tard maintenant ?
Absolument pas ! On n’a jamais été plus proches de la transition que maintenant, avec cette échéance électorale. J’ose espérer qu’aucun des candidats ayant décidé de participer à cette élection n’acceptera sa défaite, car le candidat Alpha Condé est illégal et illégitime. Que cela soit clair.
Vous auriez certainement suivi ce mardi l’interview du président Alpha Condé qui, en répondant à la question de RFI et France 24 de savoir s’il accepterait sa défaite, il a affirmé qu’il était démocrate. Qu’en dites-vous ?
Alpha Condé est un autocrate sous les habits d’un dictateur. Si Alpha devait renoncer facilement, il n’allait pas laisser tuer tous ces manifestants opposés au 3ème mandat. Il n’allait pas non plus rester sourd à tous les appels à renoncer à ce projet. Vous le savez bien que tous les 11 candidats peuvent battre Alpha aujourd’hui dans une élection libre, transparente et inclusive, sauf que, je ne crois pas à une élection libre, transparente sous Alpha Condé. Je vous fait remarquer qu’il a nié avoir tenu de discours divisionnistes, notamment, quand il s’est adressé à la population de Kankan. Donc, je ne crois pas un seul instant que Alpha Condé peut reconnaître sa défaite, sauf contrainte de la rue.
Alors au sein de la 2AD, qu’est ce que vous avez entrepris après le lancement du mouvement ?
Nous avons lancé le mouvement en Guinée et en Europe. Aujourd’hui, nous avons des représentants presque dans tous les pays. Nous implantons le mouvement dans plusieurs endroits en Guinée et planifions nos activités pour aboutir à une transition effective le plus rapidement possible.
Pour finir, Monsieur Ly, dites-nous, est-ce que la jeunesse n’est pas quelque part le frein au changement ou développement de la Guinée ?
Non, je ne poserai pas le problème comme ça ; même si, je dois l’avouer qu’une bonne partie de la jeunesse guinéenne se laisse aller à l’argent, au pouvoir et au confort sans effort. Partout dans le monde, la jeunesse est porteuse d’espoir, participe énormément aux changements socioéconomiques de leur pays mais en Guinée la situation est mitigée. Certes, il y a une jeunesse consciente, débordante d’énergie avec une forte conviction mais aussi, il y a cette jeunesse désœuvrée, manipulable et corruptible à volonté. Mais, vous devez savoir une chose : nos gouvernants ont largement contribué à cela, car il n’y a pas beaucoup de programmes d’insertion, de développement et d’accompagnements des jeunes. Beaucoup sont abandonnés dans les quartiers sans métiers, sans formation, sans même des aires de jeux… Cette jeunesse est forcément manipulable.
Cependant, ce qui me déprime, c’est quand je vois des jeunes de ma génération qui ferment les yeux totalement sur les violations des droits de l’homme, les assassinats, les kidnappings et arrestations arbitraires, le manque d’infrastructures ; pour accompagner une candidature illégale d’un monsieur de 82 ans voire plus. Nonobstant tout cela, la jeunesse est toujours une richesse pour un pays, il faut savoir tirer le meilleur des jeunes. C’est ce que nous essayons de faire au sein de la 2AD. Nous voulons que les jeunes se valorisent à travers notre structure et montrent leurs valeurs. Nous rappelons constamment aux jeunes que si le Burkina Faso a réussi à faire partir Blaise, c’est grâce à sa jeunesse et que si le Sénégal a pu faire partir Wade, c’est grâce à sa jeunesse. J’ose espérer que la jeunesse guinéenne fera de même pour non seulement se faire respecter mais surtout hisser très haut les valeurs démocratiques ainsi que la fierté et la dignité du Guinéen.
Propos recueillis par Aliou Diallo
Source ledjely.com
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